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Page:Aloysius Bertrand - Gaspard de la nuit, édition 1920.djvu/36

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l’art, quand le bras de la Maritorne se débanda avec la précipitation soudaine et brutale d’un ressort, et, au bruit cent fois répercuté du lourd marteau qu’elle serrait du poing, la foule des abbés, des chevaliers, des bienfaiteurs qui peuplent de leurs gothiques momies les caveaux gothiques de l’église, afflua processionnellement autour de l’autel éblouissant de splendeurs vives et ailées de la crèche de Noël. La vierge noire[1], la vierge des temps barbares, haute d’une coudée, à la tremblante couronne de fil d’or, à la robe raide d’empois et de perle, la vierge miraculeuse devant qui grésille une lampe d’argent, sauta en bas de sa chaire et courut sur les dalles, de la vitesse d’un toton. Elle s’avançait des nefs profondes, à bonds gracieux et inégaux, accompagnée d’un petit saint Jean de cire et de laine qu’embrasa une étincelle et qui se fondit bleu et rouge.

  1. Cette image était déjà en grande vénération au XIIe siècle. Elle est d’un bois noir, dur et pesant, qu’on croit être du châtaignier.