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Page:Alphonse de Candolle - Origine des plantes cultivées, 1883.djvu/114

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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES

tifolium[1]. Ces anciens habitants ne connaissaient pas le Chanvre ni les métaux, mais possédaient les mêmes céréales que les lacustres de l’âge de pierre en Suisse et mangeaient comme eux les glands de Chêne Rouvre. Il y avait donc une civilisation, déjà un peu développée, en deçà et au delà des Alpes, avant que les métaux, même le bronze, y fussent d’un usage habituel, et que le chanvre et la poule domestique y fussent connus[2]. Ce serait avant l’arrivée des Aryens en Europe, ou un peu après[3].

Les noms vulgaires du Lin dans les anciennes langues d’Europe peuvent jeter quelque jour sur cette question.

Le nom Lin, Llin, Linu, Linon, Linum, Lein, Lan, existe dans toutes les langues européennes, d’origine aryenne, du centre et du midi de l’Europe, celtiques, slaves, grecques ou latines. Ce n’est pas un nom commun avec les langues aryennes de l’Inde ; par conséquent, dit avec raison Ad. Pictet[4], la culture du Lin doit avoir commencé par les Aryens occidentaux et avant leur arrivée en Europe. J’ai fait cependant une réflexion qui m’a conduit à une nouvelle recherche, mais sans résultat. Puisque le Lin, me suis-je dit, était cultivé par les lacustres de Suisse et d’Italie avant l’arrivée des peuples aryens, il l’était probablement par les Ibères, qui occupaient alors l’Espagne et la Gaule, et il en est resté peut-être quelque nom spécial chez les Basques, qu’on suppose descendre des Ibères. Or, d’après plusieurs dictionnaires de leur langue[5], Liho, Lino ou Li, suivant les dialectes, signifient Lin, ce qui concorde avec le nom répandu dans toute l’Europe méridionale. Les Basques paraissent donc avoir reçu le Lin des peuples d’origine aryenne, ou peut-être ils ont perdu un ancien nom auquel ils auraient substitué celui des Celtes et des Romains. Le nom Flachs ou Flax, des langues germaniques, vient de l’ancien allemand Flahs[6]. Il y a aussi, dans le nord-ouest de l’Europe, , des noms particuliers pour le lin : Pellawa, Aiwina en finlandais[7] ; Hor, Hör, Härr en danois[8] ;

  1. Sordelli, Sulle piante della torbiera e della stazione preistorica della Lagozza, p. 37 et 51, imprimé à la suite de Castelfiranco, Notizie all. stazione lacustre della Lagozza, in-8o, Atti della Soc. ital. sc. nat., 1880.
  2. La poule a été introduite d’Asie en Grèce dans le VIe siècle avant J.-C, d’après Heer, Ueb. d. Flachs, p. 25.
  3. Ces découvertes dans les tourbières de Lagozza et autres lieux, en Italie, montrent à quel point M. V. Hehn (Kulturpfl., éd. 3, 1877, p. 524) s’est trompé en supposant les lacustres suisses des Helvétiens rapprochés du temps de César. Les hommes de la même civilisation qu’eux au midi des Alpes étaient évidemment plus anciens que la république romaine, peut-être plus que les Ligures.
  4. Ad. Pictet, Origines indo-europ., éd. 2, vol. 1, p. 396.
  5. Van Eys, Dict. basque-français, 1876 ; Gèze, Éléments de grammaire basque suivis d’un vocabulaire, Bayonne, 1873 ; Salaberry, Mots basques navarrais, Bayonne, 1856 ; Lécluse, Vocabul. français basque, 1826.
  6. Ad. Pictet, l. c.
  7. Nemnich, Polygl. Lexicon d. Naturgesch., 2, p. 420 ; Rafn, Danmark flora, 2, p 390.
  8. Nemnich, ibid.