Aller au contenu

Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/121

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
118
LES AVENTURIERS DE LA MER


vent était telle qu’il fallut descendre les naufragés au moyen de cordages. On attachait deux à deux les femmes et les enfants ; mais les mouvements de tangage étaient si violents qu’il était difficile d’éviter que ces malheureux ne fussent plongés dans la mer à plusieurs reprises. Ainsi périrent plusieurs enfants. Toutes ces périlleuses opérations demandaient beaucoup de temps et le Kent enfonçait visiblement de minute en minute. La crise finale approchait. Des soldats sautèrent à la mer chargés de leurs enfants et se noyèrent en s’efforçant de les sauver. Un soldat qui s’était fait attacher trois petits enfants autour du corps plongea dans la mer, espérant atteindre le canot, mais il n’y parvint pas, on fut obligé de le hisser sur le vaisseau, et déjà deux pauvres petits avaient succombé… C’est ainsi que bien des dévouements devenaient inutiles.

Le soleil se couchait au moment où les officiers commencèrent à quitter le Kent. On remarqua alors des malheureux que la frayeur avait paralysés et privés de raison. Ils se refusaient obstinément à descendre dans les canots pour se sauver. Le capitaine du Kent employa vainement les prières et les menaces.

À dix heures du soir, les matelots des canots avertirent le capitaine que le navire enfonçait à plus de dix pieds au-dessus de la ligne de flottaison ; il pouvait sombrer d’un instant à l’autre ; alors le capitaine tenta encore de nouveaux efforts pour essayer de triompher de l’irrésolution des derniers passagers, mais il échoua ! Il avait dès ce moment le droit de songer à sa sûreté, et saisissant un cordage, il se laissa glisser au dehors du navire d’où il sauta à la mer et gagna un canot à la nage, laissant toutefois un des canots à la portée des malheureux qui s’obstinaient à demeurer sur le navire en flammes.

C’est ainsi que tout l’équipage et les passagers, environ six cents personnes furent transportées et entassées à bord d’un tout petit brick. Ce n’était pas sans d’héroïques efforts de la part du capitaine de la Cambria et de son équipage que cet heureux succès avait été obtenu. Tandis que les huit matelots du brick s’occupaient de la manœuvre, les mineurs de Cornouailles établis sur les porte-haubans, dans la position la plus périlleuse, saisissaient dans les bateaux, à chaque retour de la vague, quelqu’une des victimes du naufrage pour la hisser sur le pont.

Peu après l’arrivée du canot, les flammes du Kent montèrent tout à coup avec la rapidité de l’éclair jusqu’au haut de la mâture ; les mâts ne tardèrent pas à s’écrouler. Enfin la soute aux poudres étant gagnée par