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Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/148

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LES AVENTURIERS DE LA MER


« On interdit tout interrogatoire, et ce n’est que le lendemain qu’il donna les renseignements suivants :

« Je me nomme Keysar, j’ai trente-cinq ans, je suis sujet anglais. J’étais lieutenant sur le Speke-Hall, du Hall Line du port de Liverpool, faisant route de Cardiff, et, en dernier lieu, de Suez à Bombay, chargé de charbon, avec dix-sept hommes d’équipage européens et quarante-deux lascars (Indiens de Bombay). — Dans la nuit du 2 au 3, le Speke-Hall fut assailli par une trombe énorme qui brisa le panneau de la machine. Les marins ne parvinrent pas à le fermer, et les paquets de mer se succédant dans l’ouverture béante, vers 4 heures du matin le bateau s’engloutit. Revenu sur l’eau, je vis plusieurs hommes accrochés à des épaves qui disparurent successivement, notamment deux lascars qui furent engloutis en se battant pour un peu d’eau douce que l’un d’eux avait dans une bouteille. Moi-même étant parvenu à réunir deux morceaux de bois, je les liai en croix avec ma ceinture et m’assis dessus. C’est sur ce frêle appui, sans boire et sans manger, que j’ai passé toute la journée du mercredi, celle du jeudi et la journée du vendredi, soit trois jours et deux nuits. »

« Nous le recueillîmes, en effet, le vendredi soir à 6 heures, sous le soleil de plomb du golfe d’Aden. Quatre fois il vit des navires qui passèrent sans l’apercevoir. Par deux fois des requins vinrent rôder autour de lui. Souvent il s’assoupissait quelques minutes. Quand il vit le Peï-Ho, il n’avait plus d’espoir, et il crut que nous passions aussi sans le voir. Il s’en est fallu de peu qu’il en fût ainsi. »