Aller au contenu

Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/231

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
228
LES AVENTURIERS DE LA MER


capitaine put se lever malgré sa faiblesse ; il releva le courage du marin qui s’était réfugié dans sa cabine, l’arma d’un revolver et ouvrit le feu sur les Malais. L’un de ceux-ci ayant été blessé au pied, M. Clarke se décida à courir sus aux deux forcenés. Les Malais firent tête, mais l’un d’eux ayant reçu une balle en pleine poitrine poussa un grand cri et se précipita à la mer.

Au bruit, l’équipage se mit en mouvement, fit brèche dans la barricade avec des barres de cabestan, et parvint à rejoindre le capitaine.

Les marins américains se croyaient sauvés, mais ils n’étaient qu’au commencement de leurs traverses : déjà une fumée acre et épaisse montait de la grande écoutille, et leur annonçait que d’un danger ils tombaient dans un autre. En effet, le Malais qui restait à bord avait disparu dans la cale du navire toute remplie de chanvre formant le chargement. Après avoir éventré plusieurs balles, il avait répandu sur ces matières textiles du goudron et y avait mis le feu.

On tira des coups de revolver sur l’incendiaire qui, blessé sans doute, surgit au milieu des assaillants, s’élança sur le pont et, d’un bond, se précipita à l’eau.

Les marins voulurent en finir avec ce misérable. Quelques secondes plus tard, frappé d’une balle, il disparaissait.

Mais l’incendie gagnait ; il fallut perdre tout espoir de sauver le trois-mâts et songer à l’évacuer. Le capitaine fit mettre des vivres dans les deux canots et, quand toute chance favorable eut disparu, il fit embarquer l’équipage.

Dans la soirée le beau voilier n’était plus qu’une épave. La mâture s’était effondrée ; le feu faisait brèche dans sa muraille. On fit alors route sur Sainte-Hélène, en se servant de couvertures en guise de voiles. Pour comble de malheur, à moitié route une des embarcations chavira ; il fallut recueillir son équipage, et c’est ainsi, entassés dans une frêle embarcation, que ces malheureux arrivèrent à Sainte-Hélène, après toute une semaine de souffrances.

On peut croire que les deux Malais avaient agi sous l’empire d’une de ces folies furieuses où les jette l’usage de l’opium. Leur conduite n’est pas autrement explicable.

Des rébellions devaient inévitablement se produire à bord des navires qui eurent mission de ramener dans leur pays les pirates connus sous le nom de Pavillons-Noirs, lorsque leur rôle s’effaça au Tonkin.