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Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/262

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LES AVENTURIERS DE LA MER


avec les débris du navire, et c’est dans cet abri précaire qu’ils bravèrent pendant dix-sept mois la fureur des tempêtes et les rigueurs de l’hiver, si âpre dans ces hautes latitudes australes, souvent, obligés d’aller chercher leur nourriture au milieu des neiges et des glaciers qui couvraient l’île, tombant dans des crevasses, revenant, tout au moins, avec leurs pieds nus ensanglantés aux aspérités du sol.

Les naufragés furent enfin recueillis par un baleinier anglais, qui se trouvait par hasard dans les parages de leur île.

Rien de lamentable comme le triste sort des marins et passagers qui survécurent au naufrage du navire hollandais Jan Hendrik, parti d’Amsterdam pour Batavia, sous le commandement du capitaine Eckelenburg, et qui vint se perdre, le 29 mai 1845, sur le Penedo, ou rocher de San-Pedro, situé sous l’Équateur, non loin du rivage africain : le capitaine, se jetant à la nage avec une corde, parvint à fixer une amarre à l’une des anfractuosités de la roche, et à établir un va-et-vient au moyen duquel put s’opérer le sauvetage de la plupart des hommes. Le navire ne tarda pas à disparaître tout à fait.

Réunis sur ce rocher étroit, dont la partie la plus haute ne s’élève pas à plus de seize ou dix-sept mètres au-dessus de l’Océan, et que ne couvre aucune végétation, les naufragés ne voyaient devant eux que la faim et la mort. Leur vaisseau s’était perdu à trois heures du matin, et l’on n’avait pu sauver qu’un peu de farine, de biscuit et de genièvre. À peine vêtus, ils se trouvaient exposés à un soleil ardent, sans une goutte d’eau. Pour échapper à la chaleur et tromper leur soif, ils restaient plongés dans la mer jusqu’au menton durant de longues heures.

Le troisième jour après le naufrage, un navire fut en vue, un navire américain. On hissa sur un espar le pavillon hollandais, que l’on avait sauvé, ainsi qu’un canot. Les naufragés ne se bornant pas à cette demande de secours, le maître d’équipage, sept matelots et un passager s’embarquèrent sur le canot, suppléant aux avirons par des morceaux de planches, et se dirigèrent vers le bâtiment américain ; mais ils ne furent sans doute point aperçus : le navire continua sa route sans se détourner. Quant au canot, entraîné au large par les courants, il fut bientôt hors de vue.

Le désespoir des malheureux qui restaient dans l’île fut alors à son comble ; ils succombaient sous le poids de la fatigue, des privations et de la chaleur. Enfin, après cinq jours d’horribles souffrances, les naufragés virent apparaître un autre navire ; c’était la Chance, capitaine