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LES AVENTURIERS DE LA MER


Ajoutons à ces exemples, qu’il nous serait malheureusement trop facile de multiplier, le naufrage du Grosvenor, vaisseau de la Compagnie des Indes qui avait quitté Ceylan, faisant route pour l’Angleterre, ayant à bord des femmes et des enfants, et qui échoua sur le littoral de l’Afrique australe, par suite d’une erreur de calculs de son commandant (1782).

Dans la succession de ces désastres maritimes, se présente, à la date de 1816, le plus douloureusement célèbre de tous les naufrages : on a compris que nous voulons parler du naufrage de la Méduse. Cette frégate périt sur le banc d’Arguin en se rendant au Sénégal.

On reprenait possession de cette colonie, en exécution des traités de 1815, et la Méduse, frégate de 44 canons, était accompagnée de la corvette l’Écho, de la gabare la Loire et du brick l’Argus. Ces navires transportaient des troupes et le nouveau gouverneur du Sénégal. Le commandement en chef de l’expédition avait été donné à M. Duroys de Chaumareys, officier incapable qui devait sa position au favoritisme. Il ne sut pas éviter les périls de la navigation le long de la côte d’Afrique, et le 2 juillet, à trois heures un quart de l’après-midi, la Méduse échoua, au moment où son commandant ordonnait, mais trop tard, une manœuvre destinée à lui faire prendre le large. La frégate, en loffant, donna presque aussitôt un coup de talon ; elle courut encore un moment, en donna un second, enfin un troisième. Elle s’arrêta dans un endroit où la sonde n’accusait qu’une profondeur de 5 m. 60, encore était-ce au moment de la pleine mer ; cette hauteur d’eau ne pouvait donc que baisser.

Cependant on put prendre certaines dispositions pour essayer de dégager la frégate ; après l’avoir allégée, on mouilla successivement des ancres dans diverses directions et l’on vira sur les grelins ; mais ce travail poursuivi pendant deux jours ne donna aucun résultat satisfaisant. La construction d’un radeau fut alors décidée ; on devait y descendre deux cents hommes — soldats pour la plupart — avec des vivres. Les six embarcations de la frégate étaient insuffisantes pour le sauvetage des quatre cents personnes se trouvant à bord.

Pendant la construction du radeau, le vent s’était levé, la mer avait grossi ; la frégate fut de plus en plus remuée, sa quille se brisa en deux ; l’eau entrait en telle quantité qu’on ne pouvait plus se faire illusion sur le sort du navire : il fallait s’en éloigner le plus promptement possible.