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LES AVENTURIERS DE LA MER


Enfin, on songea aux pauvres gens laissés à bord de la frégate naufragée ; une goélette qui leur fut envoyée, arriva près de ce qui restait de la Méduse le cinquante-deuxième jour de l’abandon de ce navire. On ne retrouva plus que trois hommes, des dix-sept qu’on y avait laissés. Dix jours auparavant, douze d’entre eux, voyant les vivres épuisés, avaient tenté de se sauver en construisant un petit radeau : on n’eut jamais de leurs nouvelles. Deux autres étaient morts à bord même de la frégate. Ajoutons que M. de Chaumareys, rappelé en France, fut traduit devant un conseil de guerre. Déclaré coupable de la perte de la Méduse, il fut rayé des cadres de la marine et condamné à trois ans de prison militaire.

Une catastrophe de même ordre — où le commandant assuma une grave responsabilité, est celle qui amena la perte du City-of-Columbus, échoué le 17 janvier 1884 sur les côtes du Massachusetts (États-Unis), dans un trajet entre Boston et Savannah (Géorgie). Le navire sombra dix minutes après avoir touché, et sa perte entraîna la mort de plus de cent personnes, parmi lesquelles de nombreux passagers.

Tout avait bien marché jusqu’au 17, quatre heures du matin. À ce moment, malgré la sérénité du ciel, illuminé par un clair de lune, un vent glacé du nord-ouest soufflait dans la mâture du navire. On se trouvait près du Gay Head (la Pointe Gaie), ainsi nommé en raison des brillantes couleurs des rochers qui le bordent.

C’est contre ces rochers que le City-of-Columbus alla donner avec une violence inouïe. On ne s’expliqua pas tout d’abord comment le navire, par un temps si clair, n’avait pu les éviter, d’autant que le promontoire est surmonté d’un phare dont les feux rayonnent à cent soixante-dix pieds au-dessus du niveau de l’eau. Depuis, le pilote avoua, dit-on, qu’ayant eu très froid, il avait quitté son poste d’observation et était allé passer vingt minutes dans le refuge des fumeurs installé sur le pont. En retournant à son poste, il s’était aperçu que le bâtiment avait viré, et se trouvait engagé parmi les récifs. Il était trop tard pour conjurer le danger. Quelques instants après, le navire heurtait contre les rochers.

Une déchirure énorme se fit sur le flanc du steamer, et par cette ouverture béante les vagues entrèrent tumultueuses. Les passagers, réveillés en sursaut par le choc et le bruit de l’eau montante, s’élancèrent épouvantés sur le pont, ceux-ci à demi vêtus, ceux-là en chemise, d’autres munis des appareils de sauvetage que faisait distribuer le capitaine.