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LES AVENTURIERS DE LA MER


Au roulis, les flots battent lourdement les flancs intérieurs du navire. L’on en voit sourdre des gerbes d’eau qui retombent en cascades par les écoutilles.

C’est par une de ces voies d’eau qui se déclarent au plus fort d’une tempête, et lorsque le navire longtemps secoué n’offre plus la résistance des premières heures, que périt le Perow (l’Épervier), vaisseau de la Compagnie hollandaise des Indes Orientales, monté par soixante-quatre hommes d’équipage et qui fit naufrage sur les côtes de l’île de Quelpaert, dans la mer de Corée, en 1653.

Ce sont également plusieurs voies d’eau qui amenèrent la perte du vaisseau anglais de la Compagnie des Indes, le Degrave, en 1701. Ce navire qui avait touché, en descendant dans le Gange, entreprit malgré le mauvais état de sa coque, de revenir en Europe, et tenta de doubler le cap de Bonne-Espérance. Mais son équipage étant épuisé de fatigue par un travail sans relâche aux pompes, soutenu depuis plusieurs mois pour garder le bâtiment à flot dans sa marche, il fallut renoncer à atteindre le Cap, et aller s’échouer à Madagascar. Ce naufrage est célèbre par les aventures de Robert Drury, un tout jeune passager, que son père avait laissé partir pour le Bengale, et dont les infortunes ont défrayé les Histoires des naufrages.

En 1741, le vaisseau de la marine française le Bourbon, commandé par le marquis de Boulainvilliers, revenait des Antilles, et avait été séparé par le mauvais temps de l’escadre de l’amiral d’Antin qui avait eu à soutenir plusieurs combats contre les Anglais.

Le coup de vent qui venait d’assaillir l’escadre avait disjoint les bordages du vieux vaisseau de guerre. Il faisait eau de toutes parts. Les marins furent mis aux pompes ; mais la situation n’alarmait personne. Le Bourbon se trouvait à proximité des côtes d’Espagne et l’on s’était familiarisé avec ses défectuosités. Mais dans la nuit du 10 au 11 avril, la cruelle vérité apparut, non sans jeter un certain émoi dans cet équipage de huit cents hommes, se voyant exposés à un péril imminent. Toute l’artillerie, tous les corps lourds furent précipités à la mer, mais on respecta la mâture : chargée de voiles, d’elle seule pouvait venir le salut.

Malheureusement, le vent faiblit sensiblement, le vaisseau ne marcha plus, chaque minute l’alourdit par une accumulation d’eau montant toujours devant les pompes devenues impuissantes. C’en est fait. Il faut songer à abandonner ce navire qui a fait son temps et dont l’existence