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Page:Amable Floquet - Histoire du privilege de saint Romain vol 2, Le Grand, 1833.djvu/180

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pieuse et la plus dévote nation du monde[1]. Certes Monstreuil n’est pas pour nous un prophète ; mais en 1791, lorsque le privilége fut anéanti, la France était-elle bien loin de l’état où il avait prévu que ce privilége cesserait d’exister ; était-elle encore la plus pieuse et la plus dévote nation du monde, et n’entendions-nous pas, il y a peu d’instans, l’évêque métropolitain de Rouen se plaindre de ce que les liens de la religion étoient affaiblis, et dire qu’ils avoient besoin d’être resserrés par des témoignages de respect particulier pour l’église ?

Quoi qu’il en soit, la ville de Rouen, la Normandie tout entière, n’ont point perdu le souvenir de cet ancien privilége qui leur appartenait en propre, et dont le pareil ne se trouvait pas ailleurs. Beaucoup d’habitans de cette ville et de la province ont vu le prisonnier lever la fierte, et se rappellent toujours avec intérêt cette circonstance de leur vie. A la campagne, dans les longues veillées d’hiver, les anciens du foyer racontent qu’il y a bien longtems, par un beau jour de mai, ils allèrent à Rouen pour la grande fête de l’Ascension, et redisent à leurs enfans, à leurs petits-enfans émerveillés, les pompes et les solennités du jour du prisonnier. Mais, et à la ville et aux champs, à quarante-deux ans d’intervalle, tous ces récits sont vagues, imparfaits ;

  1. Plaidoyer de Monstreuil, pour la fierte, en 1607.