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Page:Amable Floquet - Histoire du privilege de saint Romain vol 2, Le Grand, 1833.djvu/567

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estoit tenu à la paier ains (avant) qu’il fût assis au disner, sans contredit, par son sérement. » Le vin, les fûts et les lies qui restaient après le repas étaient vendus, au profit de la confrérie, à celui des convives qui en offrait le plus d’argent. Cette espèce d’enchère durait jusqu’à ce que le prévôt eût commencié à laver ses mains après digner. Dans ces repas, « nul n’estoit tenu à boire à guersay l’un à l’autre, se le prévôt n’avoit premièrement commencié, ou qu’il en eust donné congié, et ce à peine de quatre deniers d’amende. » Qu’était-ce que boire à guersay ou à garsoil ? car on disait l’un et l’autre. Eude Rigault, archevêque de Rouen du tems de saint Louis, visitant son diocèse, trouva qu’un chanoine nommé Roger était adonné à la boisson, et qu’il lui arrivait souvent de boire outre mesure. Le prélat lui défendit de boire, dorénavant, à garsoil. Un autre jour il apprit que le curé de Kibuef fréquentait les tavernes et y buvait à garsoil. Qu’était-ce, encore une fois, que boire à garsoil ? Si nous en croyons le docte bénédictin dom Carpentier, c’était boire à l’excès, jusqu’au gosier, usque ad garsallum ; garsallum, dit-il, signifiant gosier. Mais, on vient de le voir, par les statuts de la confrérie de Saint-Romain, les frères « estoient tenus de boire à guersay l’un à l’autre, se le prévôt avoit premièrement commencié, ou se il en avoit donné congié. » Croira-t-on que les statuts d’une pieuse confrérie, statuts approuvés solennellement par l’official de Rouen, non seulement permissent, mais ordonnassent aux associés de boire outre mesure, dès que le prévôt leur en aurait donné le signal, et cela, notez bien, des jours de grande fête ? Boire à guersay, boire à guersay l’un à l’autre, comme le disent les statuts de la confrérie de saint Romain, n’était-ce pas plutôt trinquer, choquer les verres ? Et n’était-ce pas cette dangereuse coutume, que l’archevêque Rigault avait surtout voulu proscrire, comme produisant entre des buveurs réunis une déplorable émulation qui les portait à se surpasser les uns les autres, au grand préjudice, de leur raison, de leur santé et de leur honneur ? J’entendrais d’autant plus volontiers ainsi