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Page:Amaury-Duval - L’Atelier d’Ingres.djvu/294

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CONCLUSION.

milliers de croquis, pas un qui dénote la négligence, la hâte de terminer et d’apporter les vingt francs, prix de ces merveilleux portraits, dans un ménage où ils étaient attendus parfois pour avoir du pain.

Il faut remonter bien haut, jusqu’aux maîtres anciens, pour trouver l’analogue d’une vie aussi exclusivement vouée à l’art que l’a été celle de M. Ingres. — Ce n’est plus de notre temps. — Mais aussi, en dehors de la peinture, de la musique, des arts enfin, rien de ce qui existe pour les autres n’existait pour lui.

Cette volonté de fer et cette foi inébranlable n’auraient pas suffi pour surmonter tous les obstacles accumulés devant lui, s’il n’avait été doué, comme les hommes de génie, d’une puissance d’exécution que personne ne lui conteste, qu’on a pu lui prendre, mais qui était bien à lui.

Je crois fermement qu’en ramenant l’art à un accent plus vrai de la nature, M. Ingres a renversé l’école de David, et a fait naître par cette révolution le réalisme qui nous déborde aujourd’hui. Mais qu’importe ? Faut-il reprocher à Michel-Ange toute la suite de Bernins qu’il a créés ? Tant pis pour les Bernins, et pour ceux qui les admirent ! Michel-Ange disait : « Mon style est destiné à faire de grands sots. » C’est le sort destiné aux imitateurs.