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Page:Amaury-Duval - L’Atelier d’Ingres.djvu/35

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L’ATELIER D’INGRES.

Le lendemain, nous allâmes, deux ou trois des plus anciens, prier M. Ingres de revenir sur sa décision, et le farouche Bouzingot, comme nous l’appelions, put reprendre sa place, mais pour peu de temps ; il comprit probablement qu’il ne pourrait pas imposer sa manière de voir à M. Ingres.

Un autre original était notre massier (depuis longtemps je ne remplissais plus ces fonctions) ; il était frère de Pradier le sculpteur et devait, je crois, la position qu’il occupait auprès de nous à l’amitié de M. Ingres pour ses deux frères, dont l’autre était l’habile graveur du Virgile, car c’était un vieux routier d’atelier, qui n’avait rien des allures que le maître exigeait. Bon et gai, avec un air un peu soldatesque et très-brusque, il faisait d’assez amusantes plaisanteries. Il avait une manière de faire nettoyer ses brosses par les plus jeunes qui ne manquait jamais son effet. « C’est le premier échelon de la peinture, — disait-il au nouvel arrivé, — tu ne seras peintre que quand tu sauras nettoyer les brosses. » Il tutoyait les nouveaux, — ce que nous ne faisions pas. — « Et je vais t’apprendre comment cela se pratique. » Alors la théorie du nettoyage des pinceaux : « Il faut que ça mousse blanc, vois-tu, tout est là. » Et de loin il criait : « ça ne mousse pas encore assez blanc, je te répète