Aller au contenu

Page:Amiel - Grains de mil, 1854.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 109 —

abandon. Sans bonhomie, pas d’abandon ; sans abandon pas de bien-être ; sans bien-être, pas d’intimité. Le papillon du sentiment n’éclôt que sous le rayon de la bienveillance et dans l’atmosphère vivifiante de la sympathie. Soyons plutôt naïfs qu’ironiques dans l’intérêt de notre bonheur et du bonheur des autres, et ne tuons pas, sous la froideur piquante de la moquerie, la chrysalide qui demande à s’ouvrir.


VI. — MODESTIE.


On n’a le droit de dédaigner que ce qu’on possède.


VII. — PRONOSTIC.


Toute création commence par une période d’angoisse chaotique, qui ne se termine qu’au fiat lux de l’intelligence. Le chaos d’où doit sortir un monde est d’autant plus vaste et douloureux que ce monde aura plus de grandeur.


VIII. — LA FRANCHISE.


Quand le besoin de dire vrai fait négliger les égards, quand, préoccupé des choses, on oublie les personnes, alors le désir de faire triompher l’opinion qui paraît juste peut avoir l’air du désir de triompher. Ceci est une faute. La franchise ne doit pas être poussée jusqu’à la crudité ; la vérité ne doit pas seulement vaincre, elle doit gagner. Cet