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Page:Amiel - Grains de mil, 1854.djvu/155

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manche de la pensée ; et qui sait, de la tension laborieuse de la semaine ou du repos vivifiant du sabbat, lequel est le plus important pour l’homme et le plus fécond ? La flânerie, si spirituellement vantée et chantée par Töpffer, n’est pas seulement délicieuse ; elle est utile. C’est un bain de santé qui rend la vigueur et la souplesse à tout l’être ; à l’esprit comme au corps ; c’est le signe et la fête de la liberté ; c’est un banquet joyeux et salutaire, le banquet du papillon qui lutine et butine sur les coteaux et dans les prés. Or l’âme est aussi un papillon ! Va, joue, voltige, gentille Psyché, cueille un peu de bonheur, car la vie est sérieuse, et l’épreuve n’est pas loin ; va, et l’heure de loisir te soit légère !

LXXII. — MAI.

Vagué tout l’après-midi par un beau soleil de mai ; longtemps rêvé, assis dans l’herbe, au cri des grillons, sur la pente de ces falaises qui s’éboulent, dans le Rhône. — Suivi du regard la fuite de l’onde bleue, regardé les jeunes pousses verdir les haies, contemplé toute cette vie qui vient et passe. En épelant la grande et mélancolique élégie de la nature, réfléchie dans l’homme, mon cœur a senti le poids de la solitude encore plus que son charme. — Aucun désir présent, vague malaise futur.

LXXIII. — L’AMÉRICAIN ALLAN POE.

Cette physionomie littéraire m’a extrêmement