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Page:Amiel - Grains de mil, 1854.djvu/163

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forme, l’individu qui sort de ses mains. Si le système nuit à l’intelligence, il est mauvais ; s’il nuit au caractère, il est vicieux ; s’il nuit à la conscience, il est criminel.

LXXXI. — LES MONOLOGUES DE SCHLEIERMACHER.

Petit livre profond, puissant et grandiose ! je ne t’avais pas revu depuis onze ans, et tu m’as fait encore une impression extraordinaire, quoique j’aie déjà traversé et abandonné ton point de vue. — L’indomptable liberté, l’apothéose du moi spirituel s’élargissant jusqu’à contenir le monde, s’affranchissant jusqu’à ne reconnaître rien d’étranger à lui-même ni aucune limite, se fortifiant jusqu’à recommencer la création, tel est le point de vue des Monologues. La vie intérieure : 1o dans son affranchissement du temps ; 2o dans son double but, réalisation de l’espèce et de l’individualité ; 3o dans sa domination fière de toutes les circonstances ennemies ; 4o dans sa sécurité prophétique de l’avenir ; 5o dans son immortelle jeunesse : tel est leur contenu. — Et les Monologues ne sont point une théorie, mais une confidence, un aveu, un secret dévoilé. — Par eux, nous entrons dans une vie monumentale, d’une originalité réfractaire à toute influence extérieure, étonnant exemple de l’autonomie du moi, type imposant de caractère, Zénon et Fichte combinés. Toutefois j’y vois moins un modèle magnifique à imiter qu’un sujet précieux d’étude. Cet idéal de la liberté absolue, infrangible, inviolable, se respectant par-dessus tout elle-même,