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Page:Amiel - Grains de mil, 1854.djvu/169

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circonstances, ce qu’il y a de passager, de local, d’artificiel dans la société, c’est-à-dire les usages, les ridicules, les préjugés, les petitesses. Elle entoure donc de la même foi respectueuse et tenace le sérieux et le frivole, le bon et le mauvais. Que voulez-vous ? Isolez, si vous le pouvez, le feu de la fumée. C’est ici une loi providentielle, bonne par conséquent. — La femme conserve, elle est la tradition, comme l’homme est le progrès. Or, s’il n’y a pas de famille et pas d’humanité sans les deux sexes, sans ces deux forces il n’y a pas d’Histoire. L’Histoire a pour père le Progrès et pour mère la Tradition ; tuez l’un des parents, et vous tuez la fille. — Ainsi, à chaque sexe son lot dans l’œuvre commune de la race.

LXXXVII. — UNE BONNE QUESTION.

La plus jolie et la plus insidieuse question que vous puissiez faire à un inconnu que vous désirez connaître est celle-ci : « Qu’admirez-vous ? »

LXXXVIII. — L’ACCORD DIFFICILE.

Ne vous violentez pas vous-même et respectez en vous les oscillations du sentiment : c’est votre vie et un plus sage que vous l’a faite. Ne vous abandonnez pas tout entier à l’instinct ni à la volonté : l’instinct est une sirène, la volonté un despote. Si l’esclave de ses sensations et de ses impressions du moment n’est pas encore un homme, le serf d’un plan abstrait et général ne l’est peut-être plus.