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Page:Amiel - Grains de mil, 1854.djvu/194

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ses tentacules dans des mondes divers. Par exemple, la musique est, dans la sphère du sentiment, un instrument d’analyse infiniment plus délicat que la langue parlée. Tandis que celle-ci n’a qu’une cinquantaine de mots (rêverie, espérance, tristesse, passion, allégresse, etc.) pour rendre les divers états du sentiment, la musique peut exprimer cent, deux cents, mille nuances de chacun de ces états. Le dernier, le plus délié ramuscule du langage, n’est pour la musique encore qu’une grosse branche informe : elle se charge, c’est son privilège, de l’analyser, de la subdiviser, de la ramifier en tiges, feuilles, nervures, fibrilles, indéfiniment. — De même dans les autres arts. — L’important pour chacun d’eux est de bien reconnaître son domaine et de s’en emparer.

CXXXIX. — TÉMOINS ET COMPLICES.

Vertus, fautes et crimes s’entendent sur le compte des témoins, que tous les trois, par modestie, honte ou peur, évitent également, mais non sur l’article des complices, que les crimes redoutent comme une menace, tandis que les fautes les recherchent comme une excuse et que les vertus les aiment comme une récompense.

CXL. — L’ASILE.

Il n’y a pas de parfums, de vertus, de trésors, qui n’aient besoin d’être renfermés ; n’ouvre pas portes et fenêtres à tous les vents du ciel, à tous les