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Page:Amiel - Grains de mil, 1854.djvu/45

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XV

CONTENTEMENT PASSE RICHESSE.

À M. Jules Vuy.


Bon pied, bon œil et bonne dent
C’est toute ma fortune ;
Des grâces dont chacun veut tant,
Je n’ai demandé qu’une :
Un cœur joyeux, un cœur sans fiel,
Et, content, je bénis le ciel.

Plus on a, plus on veut avoir,
Chacun se plaint sur terre :
Jaque a du pain — « son pain est noir ; »
Du vin — « son vin l’altère. »
Moins dégoûté, moi, je n’ai rien
Et suis satisfait de mon bien.

On dit ce monde triste et laid,
Lieu maudit, un vrai bagne ;
Pour moi, notre univers me plaît,
Cieux, mers, plaine et montagne :
N’est-il donc plus de bonnes gens ?
De Dieu là-haut, de fleurs aux champs ?