Aller au contenu

Page:Anatole France - L’Église et la République.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’endroit de la vieille Église. Allait-il dénoncer le Concordat, démontrer la nécessité de rompre les liens qui attachaient l’une à l’autre les deux ennemies ? Rien n’était plus loin de sa pensée :

— Pourquoi ne voulez-vous pas de la séparation ? lui demanda un jour M. Hyacinthe Loyson, qui lui-même, sous une pluie de foudres, s’était séparé de l’Église.

— Ce serait la fin du monde, répondit Gambetta. Le clergé, groupant autour de lui toutes les réactions, serait plus fort que nous.

Le clergé concordataire les avait bien groupées, toutes les réactions ! Et Gambetta le savait assez. Mais il avait le sentiment des difficultés immédiates. Son parti s’épouvantait de la séparation ; le gouvernement des vainqueurs avait à sa tête un catholique concordataire et pratiquant, le vieux Dufaure. L’armée couvrait l’Église. Si près de la défaite et, du moins on le croyait, de la revanche, qui donc eût osé toucher à l’armée ? Gambetta, d’ailleurs, sous des dehors révolutionnaires, était profondément conservateur. Il ne songeait qu’à continuer la politique religieuse de Napoléon Ier, du Gouvernement de Juillet et de Napoléon III. Il n’en connaissait, n’en concevait pas d’autre. C’était un homme d’autorité. Tandis que sa chaleur généreuse, sa large bonté le portaient à toutes les alliances et à tous les embrassements, ses instincts de domination l’avertissaient de ménager l’Église, alliée naturelle de toutes les puissances. Il lança une parole retentissante : « Le cléricalisme,