Aller au contenu

Page:Anatole France - L’Église et la République.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’être ». Malgré les efforts de quelques hommes tels que Ranc, Jaurès, Clemenceau, Trarieux, Pressensé, le parti Noir avait réussi à maintenir le concert des républicains et des nationalistes sur l’affaire Dreyfus. C’était l’essentiel, car tant que cet accord subsisterait, il était évident que les républicains au pouvoir agiraient à l’avantage de leurs ennemis et seraient, malgré eux, les auxiliaires des moines.

Aussi, quand le chef du gouvernement, qui les avait menés avec une invincible opiniâtreté à leur ruine politique et morale, et qu’ils n’osaient ni renverser ni soutenir, tomba, et lorsque la direction des affaires passa à un vieux républicain plein d’honneur, Henri Brisson, ce constant ennemi de la Congrégation fut contraint de partager le pouvoir avec les nationalistes et de donner à leur homme, M. Cavaignac, la garde de ce ministère de la Guerre où travaillaient les congréganistes.

Les moines étaient pleins de courage. Ils avaient l’Affaire, la bienheureuse Affaire, suscitée, pensaient-ils, par Dieu lui-même pour ramener la France à la foi catholique. Un des leurs, le père Didon, de l’ordre de Saint-Dominique, supérieur de l’école Albert-le-Grand, prononça, lors de la distribution des prix, que présidait le généralissime Jamont, un discours violent et scolastique dans lequel, avec l’ardeur d’un saint Pierre Martyr et la philosophie d’un saint Thomas d’Aquin, il invoquait la force contre des hommes coupables uniquement d’avoir pensé d’une certaine manière, d’avoir eu une opi-