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Page:Anatole France - L’Orme du mail.djvu/253

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— Ce pauvre M. Pélisson, j’ai connu son père. Il s’appelait Anacharsis Pélisson. Il était fils d’un républicain de 1792 ; républicain lui-même, il écrivait dans les journaux de l’opposition sous le gouvernement de Juillet. Durant ma captivité au fort de Ham, il m’adressa une lettre amicale. Vous ne pouvez vous imaginer la joie que procure à un prisonnier le moindre témoignage de sympathie. Depuis, nous avons suivi des voies différentes. Nous ne nous sommes pas revus. Il est mort.

L’Empereur alluma une cigarette, resta un moment songeur. Puis, se levant :

— Messieurs, je ne vous retiens plus.

De l’allure gauche d’un oiseau à grandes ailes qui marche, il regagna ses appartements particuliers ; et les ministres sortirent l’un après l’autre, par la longue enfilade des salons, sous le regard morne des huissiers. Le maréchal ministre de la Guerre tendit son porte-cigares au garde des Sceaux.