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Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/16

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— Celui-là l’a tué, celui-là l’a plumé, celui-là l’a fricassé, celui-là l’a mangé. Et le petit Riquiqui, qui n’a rien du tout.

» Sauce, sauce, sauce, ajoutait-il en me chatouillant, avec le bout de mon petit doigt, le creux de la main.

Et il riait très fort. Je riais aussi en m’endormant, et ma mère affirmait que le sourire restait encore sur mes lèvres le lendemain matin.

Mon père était bon rôtisseur et craignait Dieu. C’est pourquoi il portait, aux jours de fête, la bannière des rôtisseurs, sur laquelle un beau saint Laurent était brodé avec son gril et une palme d’or. Il avait coutume de me dire :

— Jacquot, ta mère est une sainte et digne femme.

C’est un propos qu’il se plaisait à répéter. Et il est vrai que ma mère allait tous les dimanches à l’église avec un livre imprimé en grosses lettres. Car elle savait mal lire le petit caractère qui, disait-elle, lui tirait les yeux hors de la tête. Mon père passait, chaque soir, une heure ou deux au cabaret du Petit Bacchus, que fréquentaient Jeannette la vielleuse et Catherine la dentellière. Et, chaque fois