Aller au contenu

Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Oui, mais taisez-vous. S’il savait…

— Que ferait-il ?

— Oh ! à moi, rien du tout. Mais à vous beaucoup de mal. Il n’aime pas les chrétiens.

— Et vous ?

— Oh ! moi, je n’aime pas les juifs.

— Jahel, m’aimez-vous un peu ?

— Mais il me semble, monsieur, qu’après ce que nous venons de nous dire, votre question est une offense.

— Il est vrai, mademoiselle, mais je tâche de me faire pardonner une vivacité, une ardeur, qui n’avaient pas pris soin de consulter vos sentiments.

— Oh ! monsieur, ne vous faites pas plus coupable que vous n’êtes. Toute votre violence et toutes vos ardeurs ne vous auraient servi de rien si vous ne m’aviez pas plu. Tout à l’heure, en vous voyant endormi dans ce fauteuil, je vous ai trouvé du mérite, j’ai attendu votre réveil, et vous savez le reste.

Je lui répondis par un baiser. Elle me le rendit. Quel baiser ! Je crus sentir des fraises des bois se fondre dans ma bouche. Mes désirs se ranimèrent et je la pressai ardemment sur mon cœur.

— Cette fois, me dit-elle, soyez moins emporté,