Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/207

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Dieu existe, aussi vrai que ce pâté est sur la table, et la preuve en est que, me trouvant un certain jour de l’an passé en grande détresse et dénuement, j’allai, sur le conseil de frère Ange, brûler un cierge dans l’église des Capucins, et que le lendemain, je rencontrai à la promenade M. de la Guéritaude, qui me donna cet hôtel avec tous les meubles, et le cellier plein de ce vin que nous buvons aujourd’hui, et assez d’argent pour vivre honnêtement.

— Fi, fi ! dit M. d’Anquetil, la sotte qui met Dieu dans de sales affaires, ce qui est si choquant qu’on en est blessé, même athée.

— Monsieur, dit mon bon maître, il vaut infiniment mieux compromettre Dieu dans de sales affaires, comme fait cette simple fille, que de le chasser, à votre exemple, du monde qu’il a créé. S’il n’a pas spécialement envoyé ce gros traitant à Catherine, sa créature, il a du moins permis qu’elle le rencontrât. Nous ignorons ses voies, et ce que dit cette innocente contient plus de vérité, encore qu’il s’y trouve quelque mélange et alliage de blasphème, que toutes les vaines paroles que l’impie tire glorieusement du vide de son cœur. Il n’est rien de plus détestable que ce libertinage d’esprit que la jeunesse étale aujourd’hui. Vos