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Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/233

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cassa dans ma poche pendant ma fuite. Elles sont toutes deux regrettables. La troisième fut préservée contre toute espérance ; la voici !

Et la tirant de dessous son habit, il la posa sur la marge de la fontaine.

— Voilà qui va bien, dit M. d’Anquetil. Vous avez du vin ; j’ai des dés et des cartes dans ma poche. Nous pouvons jouer.

— Il est vrai, dit mon bon maître, que c’est un grand divertissement. Un jeu de cartes, monsieur, est un livre d’aventures de l’espèce qu’on nomme romans, et il a sur les autres livres de ce genre cet avantage singulier qu’on le fait en même temps qu’on le lit, et qu’il n’est pas besoin d’avoir de l’esprit pour le faire ni de savoir ses lettres pour le lire. C’est un ouvrage merveilleux encore en ce qu’il offre un sens régulier et nouveau chaque fois qu’on en a brouillé les pages. Il est d’un tel artifice qu’on ne saurait assez l’admirer, car, de principes mathématiques, il tire mille et mille combinaisons curieuses et tant de rapports singuliers, qu’on a pu croire, faussement à la vérité, qu’on y découvrait les secrets des cœurs, le mystère des destinées et les arcanes de l’avenir. Ce que j’en dis s’applique surtout au tarot des Bohémiens, qui est le plus excellent des