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Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/300

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de nos guilledines à la perfidie orientale. Je la devine, mon fils, aussi ardente au plaisir qu’avide d’or et d’argent, et digne race d’Olibah et d’Aolibah.

» Elle est d’une beauté acide et mordante, dont je sens moi-même quelque peu l’atteinte, bien que l’âge, les méditations sublimes et les misères d’une vie agitée aient beaucoup amorti en moi le sentiment des plaisirs charnels. À la peine que vous cause le bon succès de son aventure avec M. d’Anquetil, je démêle, mon fils, que vous ressentez bien plus vivement que moi la dent acérée du désir, et que vous êtes déchiré de jalousie. C’est pourquoi vous blâmez une action, irrégulière à la vérité, et contraire aux vulgaires convenances, mais indifférente en soi ou du moins qui n’ajoute rien de considérable au mal universel. Vous me condamnez au dedans de vous, d’y avoir eu part, et vous croyez prendre l’intérêt des mœurs, quand vous ne suivez que le mouvement de vos passions. C’est ainsi, mon fils, que nous colorons à nos yeux nos pires instincts. La morale humaine n’a pas d’autre origine. Confessez pourtant qu’il eût été dommage de laisser plus longtemps une si belle fille à ce vieux lunatique. Concevez que M. d’Anquetil, jeune et beau, est mieux