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Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/335

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charron, tandis que son camarade allumerait du feu dans un abri ; car le temps devenait frais et le vent s’élevait.

Nous avisâmes sur la route, à cent pas en avant du lieu de notre chute, une montagne de pierre tendre, dont le pied était creusé en plusieurs endroits. C’est dans un de ces creux que nous résolûmes d’attendre, en nous chauffant, le retour du postillon envoyé en courrier à Tournus. Le second postillon attacha les trois chevaux qui nous restaient, dont un boiteux, au tronc d’un arbre, près de notre caverne. L’abbé, qui avait réussi à faire une ligne avec des branches de saule, une ficelle, un bouchon et une épingle, s’en alla pêcher, autant par inclination philosophique et méditative que dans le dessein de nous rapporter du poisson. M. d’Anquetil, demeurant avec Jahel et moi dans la grotte, nous proposa une partie d’hombre, qui se joue à trois, et qui, disait-il, étant espagnol, convenait à d’aussi aventureux personnages que nous étions pour lors. Et il est vrai que, dans cette carrière, à la nuit tombante, sur une route déserte, notre petite troupe n’eût pas paru indigne de figurer dans quelqu’une de ces rencontres de don Quigeot ou don Quichotte, dont s’amusent les servantes.