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Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/359

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tait une surprise douloureuse ; sa bouche demeurait ouverte et ses joues tombaient tristement des deux côtés de son large visage :

— Quelles indignes offenses au caractère dont je suis revêtu ! soupira-t-il enfin, les yeux au plancher. Quels propos il tient, si près du tribunal de Dieu ! Oh ! monsieur l’abbé, est-ce à vous de parler de la sorte, vous qui menâtes une sainte vie et étudiâtes dans tant de livres ?

Mon bon maître se souleva sur son coude. La fièvre lui rendait tristement et à contresens cet air jovial que nous aimions à lui voir naguère.

— Il est vrai, dit-il, que j’ai étudié les anciens auteurs. Mais il s’en faut que j’aie autant de lecture que le deuxième vicaire de M. l’évêque de Séez. Bien qu’il eût le dehors et le dedans d’un âne, il fut plus grand liseur que moi. Car il était bigle et, guignant de l’œil, il lisait deux pages à la fois. Qu’en dis-tu, vilain fripon de curé, vieux galant qui cours la guilledine au clair de lune ? Curé, ta bonne amie est faite comme une sorcière. Elle a de la barbe au menton : c’est la femme du chirurgien-barbier. Il est amplement cocu, et c’est bien fait pour cet homunculus dont toute la