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Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/46

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en leva de surprise sa cuiller à pot jusqu’aux poutres enfumées du plancher.

La surprise de mon père s’expliquait aisément. Frère Ange, qui, une première fois, avait disparu pendant six mois après l’assommade du coutelier boiteux, était demeuré cette fois deux ans entiers sans donner de ses nouvelles. Il s’en était allé au printemps avec un âne chargé de reliques, et le pis est qu’il avait emmené Catherine habillée en béguine. On ne savait ce qu’ils étaient devenus, mais il y avait vent au Petit Bacchus que le petit frère et la petite sœur avaient eu des démêlés avec l’official entre Tours et Orléans. Sans compter qu’un vicaire de Saint-Benoît criait comme un diable que ce pendard de capucin lui avait volé son âne.

— Quoi, s’écria mon père, ce coquin n’est pas dans un cul de basse-fosse ? Il n’y a plus de justice dans le royaume.

Mais frère Ange disait le Benedicite et faisait le signe de la croix sur la soupière.

— Holà ! reprit mon père, trêve de grimaces, beau moine ! Et confessez que vous passâtes en prison d’église à tout le moins une des deux années durant lesquelles on ne vit point dans la paroisse votre face de Belzébuth. La rue Saint-Jacques en était plus honnête, et le quartier