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Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/54

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— Cette grande sainte, dit frère Ange, est peinte au naturel dans la chapelle de mon couvent, et tout son corps est couvert, par la grâce de Dieu, de poils longs et épais. On en a tiré des portraits dont je vous apporterai un tout béni, ma bonne dame.

Ma mère attendrie lui passa la soupière sur le dos du maître. Et le bon frère, assis dans la cendre, se trempa la barbe en silence dans le bouillon aromatique.

— C’est le moment, dit mon père, de déboucher une de ces bouteilles, que je tiens en réserve pour les grandes fêtes, qui sont la Noël, les Rois et la Saint-Laurent. Rien n’est plus agréable que de boire du bon vin, quand on est tranquille chez soi, et à l’abri des importuns.

À peine avait-il prononcé ces paroles, que la porte s’ouvrit et qu’un grand homme noir aborda la rôtisserie, dans une rafale de neige et de vent.

— Une Salamandre ! une Salamandre ! s’écriait-il.

Et, sans prendre garde à personne, il se pencha sur le foyer dont il fouilla les tisons du bout de sa canne, au grand dommage de frère Ange, qui, avalant des cendres et des