Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/81

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— Tournebroche, s’écria-t-il, est-ce vous, mon fils ? N’oubliez jamais que vous devez ces beaux habits au savoir que je vous ai donné. Ils conviennent à un humaniste comme vous, car humanités veut dire élégances. Mais regardez-moi, je vous prie, et dites si j’ai bon air. Je me sens fort honnête homme dans cet habit. Ce M. d’Astarac semble assez magnifique. Il est dommage qu’il soit fou. Mais il est sage du moins par un endroit, puisqu’il nomme son valet Criton, c’est-à-dire le juge. Et il est bien vrai que nos valets sont les témoins de toutes nos actions. Ils en sont parfois les guides. Quand milord Verulam, chancelier d’Angleterre dont je goûte peu la philosophie, mais qui était savant homme, entra dans la grand’chambre pour y être jugé, ses laquais, vêtus avec une richesse qui faisait juger du faste avec lequel le chancelier gouvernait sa maison, se levèrent pour lui faire honneur. Mais le milord Verulam leur dit : « Asseyez-vous ! Votre élévation fait mon abaissement. » En effet, ces coquins l’avaient, par leur dépense, poussé à la ruine et contraint à des actes pour lesquels il était poursuivi comme concussionnaire. Tournebroche, mon fils, que l’exemple du milord Verulam,