Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/85

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sourdes. Après de longs siècles farouches, un homme divin parut, que les Grecs ont nommé Prométhée. Il n’est point douteux que ce sage n’ait eu commerce, dans les asiles des Nymphes, avec le peuple des Salamandres. Il apprit d’elles et enseigna aux malheureux mortels l’art de produire et de conserver le feu. Parmi les avantages innombrables que les hommes tirèrent de ce présent céleste, un des plus heureux fut de pouvoir cuire les aliments et de les rendre par ce traitement plus légers et plus subtils. Et c’est en grande partie par l’effet d’une nourriture soumise à l’action de la flamme, que les humains devinrent lentement et par degrés intelligents, industrieux, méditatifs, aptes à cultiver les arts et les sciences. Mais ce n’était là qu’un premier pas, et il est affligeant de penser que tant de millions d’années se sont écoulées sans qu’on en ait fait un second. Depuis le temps où nos ancêtres cuisaient des quartiers d’ours sur un feu de broussailles, à l’abri d’un rocher, nous n’avons point accompli de véritable progrès en cuisine. Car sûrement vous ne comptez pour rien, messieurs, les inventions de Lucullus et cette tourte épaisse à laquelle Vitellius donnait le nom de bouclier de Minerve, non