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Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/157

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le regard. Je remarquai aussi ses cheveux châtains, légèrement ondés et dorés par endroits, ses longs cils, son teint mat et ses oreilles trop évasées. Il aurait paru froid et dur sans un mince sourire qui lui éclairait habituellement le visage. Il se rongeait les ongles jusqu’au sang, ce qui lui gâtait les mains. Sa sveltesse et sa taille déliée dissimulaient des muscles robustes. Tous ses mouvements étaient empreints d’une élégance que ma précoce habitude de la statuaire antique me faisait sentir. Au reste, sa supériorité dans tous les exercices du corps était unanimement reconnue et il paraissait au milieu de nous comme un étudiant anglais. La jeunesse des écoles, en ce temps-là, ne s’exerçait guère aux sports. On ignorait la culture physique ; les leçons de gymnastique que nous donnait un caporal de pompiers étaient peu suivies. Nous dédaignions le gymnase établi dans une des cours. Mais certains jeux, comme les barres et le ballon, offraient l’occasion aux plus forts de se montrer à leur avantage. Desrais en partageait la royauté avec La Berthelière. Je fuyais ces jeux athlétiques pour lesquels je n’avais point de goût et où je n’espérais pas briller, et