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Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/20

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— Pardi ! c’était bien facile à voir, répliqua Fontanet, qui me força d’admirer sa perspicacité.

Un échec n’était pas pour nous décourager ; nous continuâmes notre recherche, accompagnés par Justine qui s’essoufflait à nous suivre à travers les mille détours de notre course curieuse. Sur le carrefour de la Croix-Rouge, nous avisâmes une jeune paysanne qui, son panier sous le bras, épelait les écriteaux, et semblait dans une grande détresse. Je pensai avoir trouvé en elle ce que nous cherchions, je m’approchai d’elle très poliment, et, tirant mon chapeau :

— Puis-je vous être utile en quelque chose ?

Elle ne me répondit que par un regard irrité. Je renouvelai mes offres. Vraiment, on l’avait trop avertie dans son pays des dangers qu’une fille court à Paris et on lui avait donné une idée exagérée de la précocité du vice dans les villes. J’étais assez grand pour mon âge, pourtant je n’avais pas l’air bien terrible. Il fallut que la peur troublât sa vue jusqu’à me prêter des moustaches : elle m’appela insolent et me donna un soufflet. Mon innocence m’empêcha de sentir sur le coup ce que ce soufflet