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Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/347

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matelas récemment décédée à Amiens. La pauvre âme, qui n’en avait jamais su beaucoup sur la vie, en savait encore moins sur la mort. Et c’était le cas de la plupart des âmes qui parlaient dans la table. Elle avait ses esprits familiers, dont un nommé Charlot, qui était fort mal embouché, et un certain Gonzalve, que mademoiselle Berger reconnaissait pour un amant qui lui était cher et qu’elle avait malheureusement perdu. Nous assistions avec beaucoup de sentiment à ces rencontres touchantes d’un mort et d’une vivante. Mais des coups frappés par un pied de table ne fournissent pas un langage assez riche à la passion, et Gonzalve nous ennuyait. Une de nos plus jolies actrices, nommée Rosemonde, se jetait avec plus d’ardeur et de curiosité inquiète que les autres, et que mademoiselle Berger elle-même, dans la nécromancie, depuis qu’elle croyait avoir évoqué l’âme d’une petite fille nommé Luce qui, à sept ans, joua la comédie à l’Odéon et mourut, répétant ainsi le sort de l’enfant Septentrion qui dansa deux fois sur le théâtre d’Antipolis et plut. Biduo saltavit et placuit. Rosemonde obsédait Luce de questions sur sa vie terrestre, si brève, et sur son état