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Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/63

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blancs, flottait au vent. Sa montre tenait à son gilet par une chaîne d’or. Ses cheveux courts se tordaient en boucles fauves ou dorées, ses yeux clairs luisaient, son visage pâle d’une fraîcheur charmante se colorait aux pommettes. Il tenait d’une main inquiète un crayon et un carnet ; mais il n’écrivait pas. J’éprouvai pour lui une soudaine sympathie, et, bien que timide, je lui adressai le premier la parole. Il me répondit sans empressement mais de bonne grâce, et la conversation s’engagea. Il m’apprit qu’il était orphelin et malade, qu’il habitait une maison sur le Ranelagh, avec sa grand’mère, d’une très vieille famille irlandaise, depuis longtemps établie en France, et alliée par son mari, qu’elle avait perdu, aux plus beaux noms de la noblesse impériale.

Il aurait voulu aller au lycée, travailler et jouer avec des camarades, faire des parties de barre et de ballon, remporter des prix au concours général. Il étudiait sous un petit abbé, dont il parlait sans haine et sans amour, ne blâmant décidément en lui qu’un bosselar de soie d’une hauteur démesurée, que l’abbé portait préférablement au chapeau ecclésiastique. Ce jour, l’abbé l’avait conduit au bois,