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Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/18

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ruines de la maison et cherchait vainement de chambre en chambre un peu de tranquillité. Quand les déménageurs pénétraient dans la pièce où il s’était réfugié, il se cachait par prudence sous une table ou sous une commode, qui demeuraient encore. Mais cette précaution lui était plus nuisible qu’utile, car bientôt le meuble s’ébranlait sur lui, se soulevait, retombait en grondant et menaçait de l’écraser. Il fuyait, hagard et le poil rebroussé, et gagnait un autre abri, qui n’était pas plus sûr que le premier.

Et ces incommodités, ces périls même, étaient peu de chose auprès des peines qu’endurait son cœur. En lui, c’est le moral, comme on dit, qui était le plus affecté.

Les meubles de l’appartement lui représentaient non des choses inertes, mais des êtres animés et bienveillants, des génies favorables, dont le départ présageait de cruels malheurs. Plats, sucriers, poêlons et casseroles, toutes les divinités de la cuisine ;