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Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/194

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humbles soins qu’ils prennent la noblesse qui est en eux, et pour qui l’accomplissement du devoir régulier est la poésie familière de la vie.

» Cet officier, ayant été appelé au deuxième bureau, y découvrit un jour que Dreyfus avait été condamné pour le crime d’Esterhazy. Il en avertit ses chefs. Ils essayèrent, d’abord par douceur, puis par menaces, de l’arrêter dans des recherches qui, en découvrant l’innocence de Dreyfus, découvriraient leurs erreurs et leurs crimes. Il sentit qu’il se perdait en persévérant. Il persévéra. Il poursuivit avec une réflexion calme, lente et sûre, d’un tranquille courage, son œuvre de justice. On l’écarta. On l’envoya à Gabès et jusque sur la frontière tripolitaine, sous quelque mauvais prétexte, sans autre raison que de le faire assassiner par des brigands arabes.

» N’ayant pu le tuer, on essaya de le déshonorer, on tenta de le perdre sous l’abondance des calomnies. Par des promesses perfides, on