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Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/394

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— Courir où ? demanda Joseph Lacriase.

— Où, je n’en sais rien. Dans les paniques sait-on où va la foule ? Le sait-elle elle-même ? Mais qu’importe ! Le mouvement est donné. Ça suffit. On ne fait plus des émeutes avec méthode. Occuper des points stratégiques, c’était bon aux temps antiques de Barbès et de Blanqui. Aujourd’hui, avec le télégraphe, le téléphone ou seulement les bicyclettes des flics, tout mouvement concerté est impossible. Voyez-vous Jacques de Cadde occupant le poste de la rue de Grenelle ? Non. Il n’y a de possibles que les mouvements vagues, immenses, tumultueux. Et la peur, la peur unanime et tragique est seule capable d’emporter l’énorme masse humaine des fêtes publiques et des spectacles en plein air. Vous me demandez où la foule du 14 Juillet aurait fui, flagellée, comme par un immense drapeau noir, par les cris lugubres de « Trahison ! trahison ! l’étranger ! trahison ! » Où elle aurait fui ?… mais dans le lac, je pense.