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Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/95

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tique iniquité. Toi aussi tu adores l’injustice par respect pour l’ordre social qui t’assure ta niche et ta pâtée. Toi aussi tu tiendrais pour véritable un jugement irrégulier, obtenu par le mensonge et la fraude. Toi aussi tu es le jouet des apparences. Toi aussi tu te laisses séduire par des mensonges. Tu te nourris de fables grossières. Ton esprit ténébreux se repaît de ténèbres. On te trompe et tu te trompes avec une plénitude délicieuse. Toi aussi tu as des haines de race, des préjugés cruels, le mépris des malheureux.

Et comme Riquet tournait sur lui un regard d’une innocence infinie, M. Bergeret reprit avec plus de douceur encore :

— Je sais : tu as une bonté obscure, la bonté de Caliban. Tu es pieux, tu as ta théologie et ta morale, tu crois bien faire. Et puis tu ne sais pas. Tu gardes la maison, tu la gardes même contre ceux qui la défendent et qui l’ornent. Cet artisan que tu voulais