Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/107

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« À Courbevoie, monsieur le marquis.

— Parfaitement. J’ai connu votre colonel, le petit de la Morse, dont les fils ont aujourd’hui des emplois à la cour de Badinguet. »

Et, d’un geste dédaigneux, il montra le château dont on voyait confusément, à travers les vitres, l’aile aux longs frontons régner sur l’autre rive du fleuve.

« Moi, mon bon Leclerc, ajouta-t-il, au mois de juillet 1828, j’étais de service, comme garde du corps, au château de Saint-Cloud, 2e compagnie, bandoulière verte… Ah ! bigre ! nous n’étions pas déguisés en mardi-gras comme les cent-gardes de M. Bonaparte. C’est bien une idée de parvenu que d’habiller les soldats du trône en oiseau de paradis. Nous portions, mon vieux Leclerc, le casque d’argent avec chenille noire et plumet blanc, l’habit bleu de roi à collet écarlate, épaulettes, aiguillettes et brandebourgs d’argent, le pantalon de casimir blanc. »

Puis, se frappant sur le mollet un coup sonore, il ajouta :

« Et bottes à l’écuyère… À vingt ans, garde de deuxième classe avec rang de lieutenant, un rendez-vous tous les soirs et un duel toutes les