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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/116

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lais tenter, je me rendis, avec un peu de fièvre, à la maison tapissée de glycine. M. Planchonnet me reçut tout de suite dans son cabinet. Il écrivait, ayant mis bas son habit et son gilet. C’était un géant, et le plus velu que j’eusse encore rencontré. Il était tout noir, faisait à chaque mouvement un bruit de crins froissés et sentait le fauve. Il ne s’arrêta point d’écrire à ma venue et, suant, soufflant, la poitrine à l’air, il acheva son article ; puis, il posa sa plume et me fit signe de parler.

Je lui balbutiai mon nom, le nom de ma tante, l’objet de ma visite, et je lui tendis en tremblant mon manuscrit.

« Je le lirai, me dit-il. Revenez samedi… » Je sortis dans un trouble affreux et souhaitant que la fin du monde et la conflagration universelle survinssent avant ce samedi, tant une nouvelle rencontre avec le rédacteur en chef m’effrayait. Mais le monde ne finit pas, le samedi vint et je revis M. Planchonnet.

« À propos, me dit-il, j’ai lu votre petite chose ; c’est très gentil. Je la mettrai dans le canard. Qu’est-ce que vous faites demain soir ? Venez donc manger la soupe à la maison. Je demeure place Saint-Guenault, vis-à-vis de la