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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/134

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dessinait, pour vivre, des modèles de pipes, commandés par un concurrent de Gambier, et des vignettes destinées à orner des boîtes de sardines. À le voir ainsi souriant, on doutait si c’était un vieux fou ou si c’était un sage, et je n’oserais pas en décider.

En me quittant, il me montra d’un grand geste le ciel rose, la rivière argentée et les bords couverts d’une poudre de lumière blonde.

« Hein ? me dit-il, voilà un joli fonds pour mon apothéose de la femme libre… en donnant plus de valeur aux tons, nécessairement. Je ferai, cette fois, du Véronèse, mais plus fort… Véronèse saute haut comme cela ; moi… »

Et je lui vis faire le geste d’autrefois.

De la passerelle du débarcadère, il me cria :

« Venez me voir dans mon atelier, au Point-du-Jour. La rue là…, à droite, nº 6. Sonnez fort. »

J’y allai seulement deux mois plus tard. Devant la maison que Jacobus m’avait indiquée, je rencontrai Jean Meusnier, robuste et noueux comme un chêne, et portant sur sa redingote correcte la rosette de commandeur. On eût dit un antique satyre devenu très homme du monde. Il me serra la main.