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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/146

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l’avez donc insulté. Je crois m’être, cette fois, suffisamment expliqué. »

En entendant ces paroles, le Dijonnais ouvrait une bouche et des yeux tout ronds. L’impossibilité où il se trouvait de rien comprendre à ces raisons l’accablait, et ce qui l’effrayait le plus, c’était le calme et la douceur avec lesquels elles étaient déduites. Onésime Dupont lui parlait, en effet, de cette voix lente et mélodieuse avec laquelle il devait plus tard soutenir dans les clubs et à l’Assemblée nationale les motions les plus terrifiantes.

« Jeune homme, dit en pâlissant le marchand de Dijon, l’un de nous deux est fou, cela est certain et nécessaire. Mais je crois fermement — et je jurerais au besoin — que c’est vous. Je ne quitterai point Paris avant d’avoir vu votre père et de m’être expliqué avec lui. Ce qui m’arrive à cette heure est tellement étrange, que je ne croyais pas qu’il dût jamais arriver rien de semblable, ni à moi ni, d’ailleurs, à personne autre. »

Et il sortit, accablé d’une sorte d’étonnement et sentant qu’il allait être malade. Il le fut, en effet, et se mit au lit dans l’hôtel de la Victoire, rue du Coq-Héron.