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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/155

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Je viens d’apprendre la mort de mon vieux camarade Champdevaux. C’était, de son vivant, un petit homme gras et rond qui promenait par le monde son indestructible contentement. Il avait sur un large visage des traits si petits qu’on les distinguait à peine, et l’on ne voyait guère sur sa face que l’abondant sourire qui la couvrait tout entière. Son visage ressemblait à un fruit mûr. Heureux de naissance, la vie n’avait pas trop contrarié son inclination naturelle au bonheur. Il approuvait l’univers, il admirait ce monde dont il faisait notablement partie. Ce n’est pas qu’il n’eût ses misères, car enfin il était homme, et même bon homme. Mais chez lui le chagrin tenait de la surprise : la surprise est passagère. Le simple Champdevaux ne restait affligé que le temps de frotter avec ses poings ses petits yeux écarquillés. Il avait épousé une jeune personne bien élevée,