Aller au contenu

Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

culté de concevoir quelques rapports fixes dans la diversité des phénomènes, est rare et précaire chez les animaux de notre espèce. Ce n’est point par elle que l’homme subsiste. Elle ne règle pas les fonctions de la vie organique ; elle ne satisfait point la faim ni l’amour ; elle n’intervient point dans la circulation du sang. Étrangère à la nature, elle est indifférente à la morale quand elle ne lui est pas hostile. Elle n’a point déterminé les instincts profonds des êtres, les sentiments unanimes des peuples, les mœurs, les usages. Elle n’a point institué la religion sainte ni les lois augustes, qui se formèrent, dans une antiquité solennelle, sur l’exercice en commun des fonctions de la vie élémentaire. Ce que j’en dis n’est point pour rabaisser la majesté des institutions divines et humaines : vous m’entendez bien. La splendeur touchante des cultes est composée du débris informe des pharmacies primitives ; les théologies ont pour origine l’inintelligence vénérable et l’effarement sacré de nos ancêtres sauvages devant le spectacle de l’univers. Les lois ne sont que l’administration des instincts. Elles se trouvent soumises aux habitudes qu’elles prétendent soumettre ; c’est ce qui les