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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/204

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« J’ai appris… que l’on désolait les habitants de Vernon en les empêchant de prendre des fraises dans les bois… On trouvera le secret de me faire haïr, et cela me procurera un de plus vifs chagrins que je puisse avoir en ce monde. »

Je cite cette lettre d’après le texte qu’en donne M. Adolphe Meyer dans son histoire de Vernon. Elle est vraiment d’un bon homme.

Par une singularité merveilleuse, le duc de Penthièvre unissait la foi chrétienne aux vertus philosophiques. Il tenait à l’ancien régime par sa naissance, mais par ses mœurs il contentait l’esprit nouveau. Comme, d’ailleurs, il était étranger aux affaires publiques, sa bienfaisance lui assura, par un rare privilège, au milieu de la Révolution, l’amour et le respect de ses anciens vassaux. En échange des titres qu’un décret de l’Assemblée Nationale lui avait ôtés, il reçut celui de commandant de la garde nationale de Vernon. Trois ans plus tard, le 20 septembre 1792, la municipalité de la petite ville se rendit à Bizi et y planta un arbre de la Liberté auquel cette inscription fut suspendue : « Hommage à la vertu. »

Cependant le pauvre homme se mourait de chagrin. Il survécut peu de jours à la mort