Aller au contenu

Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/231

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mer, qui passe en ce moment sur le quai, a vu les âmes des naufragés voler comme des mouettes à la pointe des lames ; il a vu sur la terre des feux célestes, et peut-être que Notre-Dame-de-Bon-Secours s’est montrée à lui dans la brume de l’océan. Hélas ! à travers combien de fatigues le ciel lui a souri ! Aujourd’hui, comme au temps de Sapho, la barque et le chalut sont les monuments d’une dure vie.

Hier, un enfant de onze ans s’est noyé dans la baie. Il était originaire de Cayeux. Cayeux est un port de pêche à trois lieues de Saint-Valery. Ce port est sans abri contre les vents de l’ouest et du nord-ouest, qui amenaient autrefois dans les rues tant de sable qu’on y enfonçait jusqu’aux genoux. Aujourd’hui les galets que la mer a amoncelés forment une digue naturelle et protègent les maisons, ainsi qu’une partie des champs. C’est là que le bon saint Valery faillit mourir de fatigue et de froid quand il frappa à la porte de la maison où un prêtre se chauffait en compagnie d’un juge. La vie n’y est aisée pour personne. La pauvre famille dont je parle y souffrit cruellement. Plusieurs enfants moururent. Un d’eux, par un hasard inconcevable, se noya dans un baquet.