Aller au contenu

Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/234

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

par le bras. L’homme ne pleurait plus. Mais on voyait que les larmes avaient coulé longtemps sur le cuir fauve de ses joues. La tête renversée, il sanglotait. Les sanglots secouaient son long collier de barbe grise et ses hautes épaules. Ils donnaient à sa bouche un faux air de sourire, horrible à voir. Cependant il se balançait ainsi qu’un homme ivre, et il mêlait aux chants des psaumes et aux prières de l’officiant une plainte lente, régulière et douce, comme l’air d’une de ces chansons avec lesquelles on endort les petits enfants. Ce n’était qu’un murmure, et l’église en était pleine ! Mais elle, la mère ! debout, immobile, muette dans sa pelisse antique, elle tenait son capuchon baissé au-dessous de sa bouche, et sous ce voile elle amassait sa douleur.

Quand l’absoute fut donnée, le cortège s’achemina vers Cayeux. C’est là, sous le vent de mer, qu’ils veulent que leur enfant repose. Croient-ils que cette terre, si dure aux vivants, sera douce aux morts ? Ou plutôt n’est-ce pas qu’ils gardent un tendre amour pour le rude pays où ils sont nés et auquel ils portent aujourd’hui ce qu’ils avaient de plus cher ? Nous vîmes la petite troupe disparaître lentement sur